jeudi 30 mars 2017

Pauvreté non monétaire et croissance "pro-pauvre"


La pauvreté est l'un des principaux problèmes auxquels fait face l'humanité, et les pays en développement plus spécifiquement. Pour y faire face, nombre sont ceux qui préconisent une croissance soutenue et durable. En ce sens, plusieurs études ont été menées en vue de cerner la relation entre la croissance et la pauvreté et montrent qu'une croissance soutenue et durable n'est pas toujours associée à une amélioration du niveau de pauvreté. L'Egypte en est la preuve. En effet, en dépit des forts niveaux de croissance connus par l'Egypte à la suite de son programme d'ajustement structurel graduel dans les années 1980 et aussi à sa phase d'expansion entre 2005 et 2008,  elle est depuis 2000 confrontée à une hausse du taux de pauvreté. Selon le CAMPAS, le taux de pauvreté en Egypte est passé de 16,5% en 2000, à 19,6% en 2005 et à 21,6% entre 2008 et 2009. Ce constat pourrait être généralisé à plusieurs autres pays en développement.

La croissance est moins profitable
aux plus pauvres

Toutefois, la plupart des études et des comparaisons internationales (entre pays) s'appuie fondamentalement sur la dimension monétaire de la pauvreté. Ainsi, une personne ne sera considérée comme pauvre en Côte d'Ivoire que si elle ne vit qu'avec moins de 622 FCFA par jour selon l'ENV 2015. Pourtant, les économistes et les praticiens du développement reconnaissent que la pauvreté n'est pas limitée à cette seule dimension monétaire (accroissement de revenu). Mais elle revêt aussi et surtout un aspect multidimensionnel qui incorpore les  notions de santé et d'éducation des individus concernés. Pour preuve, comment pourrait-on qualifier une personne qui gagne 2 000 FCFA ou 50 000 FCFA en Côte d'Ivoire, mais qui n'arrive pas à acheter de la nourriture, à se rendre dans le centre de santé de le plus proche ou tout simplement à suivre des cours ou avoir une bonne formation scolaire en raison de discriminations sociales? Ne pourrait-on pas la qualifier de "pauvre" en dépit de sa richesse? Par conséquent, l'élaboration de politiques plus ciblées et plus aptes à améliorer les conditions de vie des plus pauvres devrait tenir compte cet aspect multidimensionnel de la pauvreté. Fort de ce constat, plusieurs études incorporant cette réalité à l'analyse de la pauvreté ont été mises en œuvre.

Cependant, en dépit de ces outils élaborés, peu d'études (et donc peu de politiques économiques) considèrent la pauvreté multidimensionnelle comme un pan que la croissance ou encore la croissance "pro-pauvre" devrait toucher. La résultante en est que ces poliques économiques, plutôt que d'aller en faveur des plus pauvres, sont plus absolues que relatives, sont moins spécifiques, et ne ciblent pas forcément de manière adéquate les personnes les plus défavorisées. Les premières études dans ce domaine ont été initiées par Grosse, Harttgen et Klasen (2008) et par Bérenger et Besson (2012). Et même dans ces cas, un problème subsiste. En effet, ces études analysent certes dans quelle mesure la croissance est plus favorable aux pauvres, mais le critère de classement des individus dans une classe "pauvre" ou une classe "non pauvre" demeure le revenu. C'est seulement dans un second lieu qu'elles incorporent les dimensions de la santé et de l'éducation en vue d'analyser les progrès accomplis dans ces domaines à la suite de la croissance.

La question résultant de ces approches pourrait être de savoir si l'analyse de la croissance "pro-pauvre" n'est pas en elle-même biaisée en ce sens que tout part d'abord de la pauvreté monétaire. Ne pourrait-on pas adopter ou instaurer des normes d'analyse de la croissance "pro-pauvre" fondée sur des aspects non monétaires. Dans ce cas, faudrait-il exclure la dimension monétaire de ce classement ? Comment construire des couches sociales prenant en compte tous ces aspects ? Tant de questions que peuvent susciter la prise en compte de l'aspect non monétaire de la pauvreté dans l'analyse de la croissance "pro-pauvre".

Schéma d'une croissance pro-pauvre

Une réponse à ces préoccupations serait de construire ou d'utiliser dans un premier temps un indicateur de pauvreté multidimensionnelle tel que proposé dans la littérature. Dans un second temps, il faudrait l'ajuster aux réalités de l'économie étudiée et l'appliquer à une méthodologie d'analyse de la relation croissance-pauvreté au sens monétaire. Toutefois, cette solution demeure assez brute et devrait être affinée. En effet, la pauvreté étant multidimensionnelle, il devient donc difficile d'interpréter simultanément les effets de la croissance économique sur la santé, sur l'éducation ou sur les niveaux de vie. L'interprétation devient donc complexe. A ce jour, la solution la plus adaptée à ce domaine est à mon avis celle de Bérenger et Besson (2012) qui privilégient une méthodologie de dominance stochastique séquentielle. Leur approche se résume en un ensemble de tests permettant d'établir de manière robuste si la croissance est "pro-pauvre" ou non et ce, en considérant le fait que le pauvreté soit multidimensionnelle.

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